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La lettre d'information nutritionnelle indépendante

12 juin 2005

L’Afssa prend l’Histoire à contresens Corruptio

L’Afssa prend l’Histoire à contresens

Corruptio optimi pessima (La corruption de ce qu'il y a de meilleur est la pire).

Lorsque le langage sert à voiler les choses plutôt qu’à les expliquer

Avant d’aller plus avant dans cet article, il me semble nécessaire de préciser que si les phyto-oestrogènes sont effectivement issus du règne végétal, ils ne peuvent être considérés à proprement parler comme des oestrogènes, même si leur désignation le suggère fortement : d’une part, leurs effets oestrogéniques sont extrêmement faibles, d’autre part, ils présentent également des effets anti-oestrogéniques, également très faibles. Aussi, les scientifiques préfèrent souvent l’usage du terme « isoflavones », plus précis à bien des égards. Quoiqu’il en soit, le choix sémantique, « isoflavones » ou « phyto-oestrogènes », influe lourdement sur la perception des consommateurs. Cet aspect n’a pas échappé aux détracteurs du soja qui ont su habillement exploiter, non sans quelque malignité, le terme de « phyto-œstrogène » et les peurs diffuses qu’il peut véhiculer, comme l’illustre cette anecdote. En 1997, L’European Science Environment Forum a effectué en Grande-Bretagne un sondage sur l’eau en parlant de « dihydrogène monoxyde » et en expliquant que « c’est un composé chimique utilisé en très grande quantité par l’industrie, connu pour être à l’origine de fuites et d’infiltrations fréquentes et que l’on trouve régulièrement dans les rivières et dans la nourriture animale et humaine ». Le questionnaire indiquait en outre que « cet élément est un composant essentiel des pluies acides et contribue sous sa forme gazeuse à l’effet de serre ». Ainsi les deux tiers des interrogés répondirent-ils « oui » à la question de savoir s’il fallait règlementer, voire interdire l’utilisation de ce composé chimique dangereux dans l’UE. Ce « composé chimique dangereux » n’est pourtant rien d’autre que l’eau !

Reste que les propriétés des phyto-oestrogènes (isoflavones) en font des nutriments tout à fait remarquables puisqu’ils s’apparentent en fait à des régulateurs hormonaux tout en exerçant une activité antiradicalaire appréciable. Comme le résume très bien Martin LaSalle (Réseau Proteus) « Le soja (…) peut agir de deux façons (…) : soit bloquer les effets négatifs d'une trop grande production d'oestrogènes, ou encore combler les besoins si le corps en produit insuffisamment ». En d’autres termes, un nourrisson ne changera pas de sexe, et une femme ménopausée ne retombera pas en adolescence s’ils consomment respectivement des préparations à base de protéines de soja ou des compléments alimentaires riches en phyto-oestrogènes. De nombreuses études confirment chaque jour leur l’intérêt dans la prévention de nombreuses maladies, le tout associé à une parfaite innocuité au point de les placer parmi les nutriments les plus en vue dans la famille des « nutraceutiques » (littéralement « aliments santé »). Pour autant, le soja et ses phyto-oestrogènes ne constituent pas des exceptions abusivement montées en épingle par d’obscurs lobbies, loin s’en faut, puisque chaque jour apporte son lot de postulants : citons pour mémoire d’autres nutriments également très étudiés tels que le lycopène (tomate, pastèque, pomelo, etc.), la lutéine (tagète, petit pois), le resvératrol (vin rouge), les catéchines (thé vert), les oméga 3 (pourpier, colza, Odontella aurita, etc.), les « prébiotiques » (inuline, fructo-oligosaccharides, etc.), les « probiotiques » (Lactobacillus sp., levures, etc.), certains oligo-éléments (sélénium, chrome, bore, etc.). Enfin, les autres phyto-oestrogènes (le soja n’est pas le seul à en contenir, loin s’en faut) présents dans la plupart des végétaux (houblon, sauge, céréales, lin, prune, sésame, etc.) font également l’objet d’intenses investigations.

Pourtant, le 9 mars dernier, l’Afssa vient de rendre un surprenant rapport intitulé « Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l'alimentation » qui nécessite un petit retour en arrière.

Visiblement agacée par le succès des phyto-oestrogènes qui osent revendiquer une simple atténuation des désagréments de la ménopause, de surcroît en se fondant sur de nombreuses études scientifiques (quel culot !),

la DGCCRF

(répression des fraudes) saisit l’Afssa, comptant sur son rapport pour y mettre bon ordre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne doit pas être déçu du coté de

la DGCCRF.

Alors que d’innombrables études tant cliniques qu’épidémiologiques attestent à la fois de l’efficacité et de l’innocuité des phyto-oestrogènes pour atténuer (et non pas supprimer) les désagréments de la ménopause, l’Afssa conclut que cet effet bénéfique est attribuable à « un fort effet placebo ». Au passage, on peut se demander comment l’Afssa différencie un fort effet placebo d’un faible effet placebo. D’autre part, tous les médicaments (en l’occurrence les phyto-oestrogènes n’en sont pas) sont susceptibles d’induire un effet placebo, c’est d’ailleurs pour cela que les études cliniques sont menées en « double aveugle » : tant les patients et que les médecins traitants ignorent respectivement s’ils reçoivent ou administrent le principe actif à évaluer ou un placebo. Que des phyto-oestrogènes aient été précisément évalués selon ce protocole rigoureux (1) n’a pas été retenu par l’Afssa : ce n’est plus du double aveugle mais du simple aveuglement…

Histoire d’enfoncer le clou, l’Afssa estime que les nourrissons ne devraient pas être exposés au soja avant trois ans (un coup d’épée dans l’eau puisque le « lait » de soja (tonyu) n’a jamais été préconisé par quiconque d’un tant soit peu responsable, au même titre que le lait de vache en l’état, également fortement déconseillé par les pédiatres), tout en reconnaissant piteusement qu’« il n’a pas été observé jusqu’à présent de troubles particuliers chez les enfants et nourrissons nourris avec des préparations à base de soja ». Cela a au moins le mérite de la clarté, mais dans un premier temps seulement puisque l’Afssa s’empresse d’ajouter : « toutefois on ne dispose pas d’étude à long terme portant sur la fertilité ». Soit deux (gros) mensonges dans la même phrase puisque les premières préparations pour nourrissons à base de soja furent commercialisées très précisément en 1950 et que, parmi d’autres, deux études publiées dans le prestigieux JAMA concluait à une absence d’effet sur le fertilité (« Exposure to soy formula does not appear to lead to different general health or reproductive outcomes ») (2 ; 3). Mieux encore, une étude montre que les isoflavones de soja améliore la fertilité des femmes ! (4). Relevons également d’autres études plus récentes également publiées dans des revues de références (Journal of Nutrition notamment) qui attestent également de l’intérêt et de l’innocuité (5 ; 6), des préparations pour nourrissons à base de soja. Malgré tous ses efforts, l’Afssa ne parvient pas à mettre en évidence le moindre danger liés à l’usage de ce type de préparations (encore une fois, à ne pas confondre avec le « lait » de soja ou tonyu qui n’est pas dangereux mais simplement inadapté), mais omet toutefois de préciser leurs possibles bénéfices (protection contre les maladies hormono-dépendantes, Setchell, 1998). Néanmoins, l’Afssa en déconseille l’usage jusqu’à 6 mois à cause de possibles allergies. Si l’on retient cet argument et sachant que l’allergie au lait de vache quatre fois plus fréquente que celle au soja, on peut se demander quelles préparations pour nourrissons donner aux bébés qui ne bénéficient pas de l’allaitement maternel… A noter que l’allergénicité du soja a longtemps été surévaluée comme le montre la méthode bien plus fiable du dosage des IgE spécifiques. D’autre part, le pouvoir allergisant du lait de vache (présence de β-lactoglobuline, une protéine du lait de vache totalement absente du lait humain) est tel que les allergies persistent même chez les bébés nourris avec des préparations à base de lait de vache hydrolysé (Dutau 1997). Autre omission très révélatrice relevée dans le rapport l’Afssa : « une étude (portant sur des garçons et filles nourris avec des préparations pour nourrissons à base de soja) a montré un allongement de près 2 jours de la durée du cycle chez les filles » sans aller toutefois jusqu’à préciser que cela induisait un effet protecteur vis-à-vis des cancers en réduisant ainsi l’exposition aux oestrogènes humains (7) ce qui confirme au passage le rôle régulateur des phyto-oestrogènes évoqué précédemment. L’Afssa ne mentionne cependant aucun effet chez les garçons alors que les adversaires du soja les plus hystériques (Enig et Fallon) affirment qu’il les « féminise »...

Par ailleurs, inutile de chercher dans ce volumineux rapport (près de 400 pages) une étude indiquant que le soja prévient de la survenue des cancers (8) (comme la plupart des fruits et légumes…), que les isoflavones de soja sont de surcroît capables d’induire l’apoptose (9), c'est-à-dire le « suicide » sélectif des cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules saines. Mais, à nouveau, rien d’exceptionnel, puisque cette propriété est partagée par les phyto-oestrogènes du trèfle (10), ceux des haricots autres que le soja (coumestrol) (11) ou bien encore ceux contenus dans les céréales (lignanes) (12) (NB : ces propriétés ne concernent pas seulement les phyto-oestrogènes, par exemple, le resvératrol, la lutéine, le lycopène et d’autres caroténoïdes induisent également l’apoptose). De même, l’Afssa passe sous silence le fait que le lait de vache contient naturellement des oestrogènes (13), par définition 1.000 à 100.000 fois plus puissants que les phyto-oestrogènes, et impliqués à ce titre dans l’étiologie des cancers prostatiques (14), que le lait de vache contient tout aussi naturellement de l’IGF-1, une hormone (considérée comme dopante et à ce titre interdite par le CIO au même titre que l’EPO, les anabolisants stéroïdiens,…) également montrée du doigt dans la survenue d’autres cancers chez l’adulte (15) (sein, prostate, ovaire en particulier). D’autres études confirment ces inquiétudes chez les nourrissons (16) dont l’exposition aux préparations à base de lait de vache accroît très significativement le risque de cancer infantile, sujet tabou s’il en est, même si ce type de cancer connaît une des plus fortes progressions.

Autre surprise relevée dans ce rapport, je cite, « le coumestrol est le plus actif des phyto-oestrogènes » (page 18), soit une activité oestrogénique 32 fois plus « puissante » que le plus puissant (le moins faible conviendrait mieux) des phyto-œstrogènes (génistéine). Or, les épinards et les haricots (autre autres !) qui contiennent des quantités appréciables de coumestrol sont bien plus consommés en France que le soja. Dans ces conditions, il serait plus logique de saisir l’Afssa pour rédiger une synthèse à leur sujet. Mais saisir l’Afssa pour évaluer les dangers de la consommation d’épinards et des haricots chez la femme ménopausée ou le nourrisson ne ferait que couvrir de ridicule tant ceux qui s’y risqueraient que ceux qui y répondraient favorablement. Dans le cas du soja, ils n’ont pourtant pas hésité : le ridicule ne tue donc pas plus que le soja.

Les phyto-stérols bénéficient quant à eux d’une surprenante bienveillance…

Le rapport de l’Afssa cloue au pilori les phyto-oestrogènes, tout en minimisant les effets bénéfiques du soja dans la prévention des maladies coronariennes, mais lorsque les phyto-stérols, provenant pourtant de ce même soja, enrichissent Danacol (et surtout Danone…), l’Afssa et

la DGCCRF

ne trouvent rien à redire à la publicité tapageuse de l’industrie laitière (Danacol, Pro-activ, etc.), même si les phyto-stérols purifiés et concentrés réduisent l’absorption des vitamines liposolubles (17), et ce dans un contexte déjà défavorable puisque la population française souffre déjà d’une insuffisance globale d’apport en vitamines. NB : cet effet indésirable ne s’observe que hors « totum » du soja. Le soja « complet » compense cet effet par un apport appréciable en vitamine E.

Et bien que recourant massivement aux phyto-stérols, l’industrie laitière se garde bien de préciser qu’elle doit ses propriétés anti-cholestérol des phyto-stérols du soja, de surcroît d’origine indéterminée, c’est effectivement plus prudent en termes marketing.

Mieux, l’industrie laitière a récemment obtenu des autorités de Bruxelles (Commission Directive 2005/26/EC) qui n’ont rien à refuser aux multinationales, d’échapper à l’obligation de déclaration prévue par la directive allergène pour le soja à condition bien entendu qu’il s’agisse de phyto-stérols et qu’ils soient utilisés par l’industrie laitière qui offre ainsi un parfait camouflage au soja transgénique : les consommateurs ne veulent pas des OGM, il suffit de les rebaptiser Danacol…

Les études menées chez le rat accouchent d’une souris

Pour répondre à l’activisme anti-soja de Catherine Bénnéteau-Pélissero, le Comité Supérieur de l’Hygiène Publique de France (CSHPF, prédécesseur de l’Afssa) lui réclame un rapport sur la sécurité des phyto-oestrogènes qu’elle remit en juillet 1996. Ce rapport concluait sans équivoque, je cite, que « les phyto-oestrogènes apparaissent (…) unanimement (souligné par nous) comme des oestrogènes faibles 1.000 à 100.000 fois moins actif que l’oestradiol » (page 74), et « ont une action sur la régulation de la cholestérolémie », « ont une action protectrice contre les cancers hormonaux-dépendants (et) colorectaux » (page 95). Enfin, ils « sont également des stimulateurs de l’activité immunitaire chez la souris » (page 96). Le Pr. Jean-François Narbonne, toxicologue mondialement réputé, commanditaire du rapport, et président du groupe « contaminants » au CSHPF concluait logiquement que « le soja ne paraît pas poser de problème » (18). Affaire classée donc. Mais, visiblement, ce premier rapport n’allait pas dans le sens souhaité par

la DGCCRF.

Forte

de cette première déconvenue, les experts furent choisis cette fois-ci parmi celles et ceux qui ne portaient visiblement pas le soja dans leur cœur. De façon très surprenante, les toxicologues membres de l’Afssa sont écartés au profit des membres de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), réputés quant à eux très proches de l’industrie pharmaceutique au point qu’un récent rapport parlementaire dénonce officiellement leur manque d’indépendance. Il peut être  tentant d’établir un lien de cause à effet entre le succès des compléments alimentaires à base de phyto-oestrogènes de soja qui empiètent sur les platebandes des THS (Traitement Hormonaux Substitutifs) de l’industrie pharmaceutique (surtout après les études désastreuses à leur sujet) et le recrutement de ce comité « sur mesure »…

Un surprenant revirement

On retrouve également dans ce comité Catherine Bénnéteau-Pélissero qui a opéré entre-temps un surprenant revirement. Dans un article au titre sans équivoque, « suspicion sur cet aliment riche en protéine » publié dans Que Choisir (19), elle accuse désormais le soja de tous les maux (puberté précoce, stérilité, etc.), tout en reconnaissant nager « dans le flou artistique le plus complet », on ne lui fait pas dire. Pourquoi ce revirement aussi radical que soudain alors que les nouvelles études publiées dans l’intervalle n’ont fait que conforter ses propres conclusions formulées quatre ans auparavant ? Je l’ignore mais, désormais, qu’on lui objecte que de très nombreuses études attestent à la fois de l’innocuité et des bénéfices du soja (comme elle l’écrivait dix ans auparavant…) Catherine Bénnéteau-Pélissero se réfugie immanquablement derrière l’argument « c’est un coup du lobby du soja » : « de nombreux travaux (donc pas tous…) étant financés par les producteurs de soja ». Un peu court comme argument, on est néanmoins instamment prié de s’en contenter. A ce sujet, aussi incroyable que cela puisse paraître, parmi les autres intervenants sollicités par l’Afssa pour son rapport, on trouve Blédina (Danone), la laiterie Triballat et la multinationale étasunienne ADM, leader mondial des aliments à base de soja destinés aux vaches laitières et des ingrédients également à base de soja (phyto-stérols) (20) destinés, incognito, à l’industrie laitière. A coup sûr, que des gens naturellement enclins à dire du bien du soja. Autre élément révélateur, un des membres de l’Afssa, Léon Guéguen, ne souffrit pas quant à lui du même ostracisme que connurent récemment ses collègues toxicologues, puisqu’il fut même chargé d’établir les Apports Journaliers Recommandés en calcium. A noter que M. Guéguen fait également partie du comité scientifique (sic) de Candia : simple coïncidence ?

Une curieuse hiérarchisation des problématiques de santé publique

Des études récentes ont mis en évidence l’implication des parabens (produits chimiques très largement utilisés dans les cosmétiques) dans la survenue des cancers du sein (21), en attendant mieux. Bien que les cosmétiques contiennent pratiquement tous des parabens (NB : interdits par le cahier des charges Cosmébio) et soient utilisés par la quasi-totalité de la population, au contraire du soja qui ne concerne que au mieux 2% de la population, l’Afssaps ne juge cependant pas « nécessaire de durcir la réglementation, car les preuves manquent pour affirmer que ces conservateurs posent problème » (22). En d’autres termes, lorsque des études attestent de la dangerosité de molécules de synthèse auxquelles sont exposée la totalité de la population, les autorités ne bronchent pas, mais lorsque 2% de cette même population consomment des nutriments anti-cancérogènes et naturels (selon les propres termes du premier rapport), ces mêmes autorités jugent indispensable de produire un rapport incitant à la plus grande prudence : comprenne qui pourra…

Et de là à penser que les intérêts conjugués de l’industrie cosmétique et pétrochimique constitue un lobby autrement plus puissant que le lobby du soja (bio…) auquel les autorités sanitaires ne souhaitent pas trop se frotter ; l’hypothèse demeure plausible, en tout cas tentante.

Enfin, aussi incroyable que cela puisse paraître, même si « notre pays est pourtant le troisième consommateur mondial de pesticides », « en France, on n'a pas d'études », reconnaît Pierre Lebailly, épidémiologiste du Groupe régional d'études sur le cancer, (le Figaro, 31 mars 2005) : mieux vaut en effet se consacrer aux phyto-œstrogènes de soja car il est politiquement moins risqué de contrarier le Sojami que la puissante FNSEA et la toute aussi puissante industrie chimique.

Le fâcheux précédent qui aurait dû inciter l’Afssa à la plus grande prudence

L’Afssa se focalise sur les études effectuées sur modèle animal tout en récusant celles effectuées chez l’Homme, c’est un choix. Il faut cependant se souvenir que l’huile de colza ne se remit jamais de l’annonce faite en 1970 d’une étude indiquant qu’elle provoquait des lésions cardiaques chez le rat. L’huile de colza, même si elle constitue de très loin la meilleure huile alimentaire disponible sur le marché (ratio quasi parfait en oméga 3/6/9), et la moins chère, ne dépasse pas 3% de part de marché. Pourtant l’huile de colza protège mieux que n’importe quel aliment le système cardio-vasculaire…chez l’Homme, comme l’ont si brillamment démontré les travaux de Serge Renaud, le « père » du régime crétois (23 ; 24). L’huile de colza contient en outre un composé anti-cancéreux récemment identifié (canolol) (25) et protège vraisemblablement de la survenue des maladies neurodégénératives (Alzheimer). Mais la rigueur scientifique est visiblement impuissante à inverser la rumeur médiatique… Plutôt désabusé, le Pr. Entressangles me confiait un jour « peut-être faudrait-il augmenter le prix de l’huile de colza pour que les gens en consomment davantage… ». A noter que l’on découvrira un peu plus tard que l’huile de tournesol, qui a raflé la mise pour le plus grand profit d’Unilever (huile « Fruit d’Or » la bien nommée), provoque également des lésions cardiaques chez le rat et favorise les phénomènes inflammatoires, les maladies neuro dégénératives (Alzheimer) (26) les cancers (27), l’obésité (28)…et les accidents coronariens (29) chez l’Homme ! La revue 50 Millions de consommateurs qui exigeait alors l’interdiction à la vente de l’huile de colza a désormais bonne mine, ce qui n’empêchera pas 30 ans plus tard son alter ego Que Choisir de récidiver en réclamant la tête du soja.

Une conclusion en dépit du bon sens

Quoiqu’il en soit, la conclusion du rapport de l’Afssa se résumer de la façon suivante : les compléments à base de phyto-oestrogènes concentrés ne parviennent pas à atténuer de simples bouffées de chaleur mais, à très faibles doses, ils peuvent vous faire changer de sexe : l’homéopathie ne s’attendait sûrement pas à une telle consécration.

Cela pourrait prêter à sourire si l’obésité, « l’épidémie du XXIe siècle », ne préoccupait pas au plus haut point les autorités sanitaires de tous les pays occidentaux (sauf

la France

visiblement) : « L'explosion de l'obésité, surtout chez les jeunes, pourrait réduire l'espérance de vie aux Etats-Unis, inversant deux siècles de progrès ininterrompus, selon une étude publiée, mercredi 16 mars 2005, dans le New England Journal of Medicine (NEJM) ». Un consensus établit que la consommation de fruits et de légumes constitue une des clés de voûte dans la stratégie de prévention cette épidémie ; le soja, parmi d’autres végétaux, devrait donc occuper une place de choix en raison de ses nombreuses déclinaisons culinaires et de ses propriétés anti-obésigènes (30).

De même, le cancer, deuxième cause de mortalité en France et dont « en vingt ans le nombre de nouveaux cas (…) chez les adultes a progressé de 63 % en France » (Institut national de la santé et de la recherche médical, le Monde du 06.04.2005), constitue une autre préoccupation majeure en terme de santé publique, maladie d’ailleurs épidémiologiquement reliée à l’obésité (31). Or, une récente étude vient d’identifier dans le soja un prometteur peptide (une « petite » protéine) anti-cancéreux dénommé lunasin (32). Ce peptide s’ajoute à la liste des autres nombreux nutriments anti-cancéreux particulièrement puissants déjà identifiés dans le soja : acide phytique (Inositol hexaphosphate) (33), inhibiteur de Kunitz (34) et, dans une moindre mesure, tocophérols (35), fibres solubles (36), etc., ce qui souligne au passage l’absurdité qui consiste à administrer à méga doses un anti-oxydant purifié hors de son « totum » pour constater qu’il peut devenir dans ces conditions extrêmes pro-oxydant…comme tous les autres anti-oxydants (vitamine C, E, oméga 3, etc.). Cette caricature physiologique sert néanmoins de justification à l’Afssa pour conseiller de limiter la consommation du soja. Ramener à un aliment tel que l’eau, cela équivaudrait à consommer des centaines de litres par jours : je ne connais pas beaucoup de monde qui survivrait à une telle purge.

Enfin, le Quotidien du Médecin (03/03/2005) s’inquiétait «  des déficits nutritionnels (en oméga 3) lourds de conséquences » dans le déclenchement de la maladie d’Alzheimer. Avec l’huile de colza, le soja représente une des rares sources alimentaires d’oméga 3 (acide alpha-linolénique) et les plus accessibles économiquement. Les oméga 3 constituent également une arme de choix dans la prévention les maladies coronariennes, auxquels il faut ajouter l’acide phytique, aux effets hypocholestérolémiants particulièrement marqués (37), les fibres, les tocophérols, etc. ainsi que les phyto-stérols.

                                                                                                

Malgré tous ces éléments qui plaident en faveur d’une consommation accrue de soja, cela n’a visiblement pas dissuadé l’Afssaps déguisée en Afssa d’instruire un dossier à charge contre le soja. Aussi, malgré ce petit article contre-feu, il faut d’ores et déjà s’attendre à ce qu’une large partie de la population se détourne de cet aliment plein de promesses, comme cela c’est déjà produit en Nouvelle-Zélande où, après une campagne médiatique habilement orchestrée, les ventes de « soyfoods » se sont littéralement effondrées. Cette rumeur n’est sûrement pas le fruit du hasard puisque l’industrie laitière constitue le premier secteur économique en Nouvelle-Zélande qui retrouvât ainsi ses parts de marché perdues.

Par ailleurs, si l’on consomme directement les protéines végétales, les surfaces agricoles ainsi libérées rendent intenable le discours OGM qui ne peut se justifier que dans une logique productiviste. Il est donc fort à parier que l’on ne voit pas d’un très bon œil l’émergence du soja destiné à l’alimentation humaine du coté de Saint-Louis, Missouri (38) car autant il est simple de dissimuler le soja OGM via l’alimentation animale (ou les yaourts…), autant cela devient carrément problématique pour l’alimentation humaine car les consommateurs de soja se recrutent souvent parmi ceux de

la Bio

qui les proscrit formellement…

Sans surprise, l’Afssa(ps) est donc tombée du coté où elle penche. Son rapport aura pour conséquence essentielle la préservation des intérêts de l’industrie laitière, pharmaceutique et du véritable lobby du soja, celui de l’alimentation animale qui constitue plus de 90% de ses débouchés : tous, et réunis ils pèsent très lourd, ont de bonnes raisons de s’inquiéter de la mise en place en France ou ailleurs de filières alternatives et significatives de soja bio ou non OGM destinée à l’alimentation humaine. Tant en termes de santé publique que d’environnement, les citoyens, dont les intérêts objectifs ne se confondent pas avec ceux de quelques multinationales, risquent de payer très cher cette crucifixion du soja dont nous sommes redevables à une agence gouvernementale, pourtant supposée garante de l’intérêt général.

Références :

(1)   Han et al. Benefits of Soy Isoflavone Therapeutic Regimen on Menopausal Symptoms. Obstet Gynecol.2002; 99: 389-394.

(2)   Strom BL, Schinnar R, Ziegler EE, Barnhart KT, Sammel MD, Macones GA, Stallings VA, Drulis JM, Nelson SE, Hanson SA. Exposure to soy-based formula in infancy and endocrinological and reproductive outcomes in young adulthood. JAMA. 2001 Aug 15;286(7):807-14.

(3)   Goldman LR, Newbold R, Swan SH. Exposure to soy-based formula in infancy. JAMA. 2001 Nov 21;286(19):2402-3.

(4)   Unfer V, Casini ML, Gerli S, Costabile L, Mignosa M, Di Renzo GC. Phytoestrogens may improve the pregnancy rate in in vitro fertilization-embryo transfer cycles: a prospective, controlled, randomized trial. Fertility and Sterility, Décembre 2004. Vol. 82, No 6, 1509-13.

(5)   Merritt RJ, Jenks BH. Safety of soy-based infant formulas containing isoflavones: the clinical evidence. J Nutr. 2004 May;134(5):1220S-1224S.

(6)   Miniello VL, Moro GE, Tarantino M, Natile M, Granieri L. Soy-based formulas and phyto-oestrogens: a safety profile. Acta Paediatr Suppl. 2003 Sep;91(441):93-100.

(7)   Cassidy A, Bingham S, Setchell KD. Biological effects of a diet of soy protein rich in isoflavones on the menstrual cycle of premenopausal women. Am J Clin Nutr. 1994 Sep;60(3):333-40.

(8)   

Messina

MJ. Legumes and soybeans: overview of their nutritional profiles and health effects. Am J Clin Nutr. 1999 Sep;70(3 Suppl):439S-450S.

(9)   M Onozawa, K Fukuda, M Ohtani, H Akaza, T Sugimura and K Wakabayashi. Cancer Prevention Division, National Cancer Center Research Institute,

Tokyo

,

Japan

. Effects of soybean isoflavones on cell growth and apoptosis of the human prostatic cancer cell line LNCaP. Japanese Journal of Clinical Oncology, Vol 28, Issue 6 360-363.

(10)                      Renea A. Jarred, Mohammad Keikha, Caroline Dowling, Stephen J. McPherson, Anne M. Clare, Alan J. Husband, John S. Pedersen, Mark Frydenberg and Gail P. Risbridger. Induction of Apoptosis in Low to Moderate-Grade Human Prostate Carcinoma by Red Clover-derived Dietary Isoflavones. Cancer Epidemiology Biomarkers & Prevention Vol. 11, 1689-1696, December 2002.

(11)                      Bawadi HA, Bansode RR, Trappey A 2nd, Truax RE, Losso JN. Inhibition of Caco-2 colon, MCF-7 and Hs578T breast, and DU 145 prostatic cancer cell proliferation by water-soluble black bean condensed tannins. Cancer Lett. 2005 Feb 10;218(2):153-62.

(12)                      Qu H, Madl RL, Takemoto DJ, Baybutt RC, Wang W. Lignans Are Involved in the Antitumor Activity of Wheat Bran in Colon Cancer SW480 Cells. J Nutr. 2005 Mar;135(3):598-602.

(13)                     

Wolford ST
, Argoudelis CJ. Measurement of estrogens in cow's milk, human milk, and dairy products. J Dairy Sci. 1979 Sep;62(9):1458-63.

(14)                      Qin LQ, Wang PY, Kaneko T, Hoshi K, Sato A. Estrogen: one of the risk factors in milk for prostate cancer. Med Hypotheses. 2004;62(1):133-42. 

(15)                      Outwater JL, Nicholson A, Barnard N. Dairy products and breast cancer: the IGF-I, estrogen, and bGH hypothesis. Med Hypotheses. 1997 Jun;48(6):453-61. Review.

(16)                      Dundaroz R, Ulucan H, Aydin HI, Gungor T, Baltaci V, Denli M, Sanisoglu Y. Analysis of DNA damage using the comet assay in infants fed cow's milk. BioNeonate.2003;84(2):135-41.

(17)                      Clifton PM, Noakes M, Ross D, Fassoulakis A, Cehun M, Nestel P. High dietary intake of phytosterol esters decreases carotenoids and increases plasma plant sterol levels with no additional cholesterol lowering. J Lipid Res. 2004 Aug;45(8):1493-9. Epub 2004 May 16.

(18)                      Sciences et Avenir. Octobre 1996, page 40.

(19)                      Que choisir 370, avril 2000, pages 36, 37, 38.

(20)                      Vendus à l’industrie laitière sous la marque CardioAid-WD. Arômes Ingrédients Additifs N° 56 – Février-Mars 2005, page 21.

(21)                      Byford JR, Shaw LE, Drew MG, Pope GS, Sauer MJ, Darbre PD. Oestrogenic activity of parabens in MCF7 human breast cancer cells. J Steroid Biochem Mol Biol. 2002 Jan;80(1):49-60.

(22)                      Métro, 24 mars 2005, page 09.

(23)                      Renaud S, de Lorgeril M, Delaye J, Guidollet J, Jacquard F, Mamelle N, Martin JL, Monjaud I, Salen P, Toubol P. Cretan Mediterranean diet for prevention of coronary heart disease.Am J Clin Nutr. 1995 Jun;61(6 Suppl):1360S-1367S.

(24)                      de Lorgeril M, Renaud S, Mamelle N, Salen P, Martin JL, Monjaud I, Guidollet J, Touboul P, Delaye J. Mediterranean alpha-linolenic acid-rich diet in secondary prevention of coronary heart disease. Lancet. 1994 Jun 11;343(8911):1454-9.

(25)                      Kuwahara H, Kanazawa A, Wakamatu D, Morimura S, Kida K, Akaike T, Maeda H. Antioxidative and antimutagenic activities of 4-vinyl-2,6-dimethoxyphenol (canolol) isolated from canola oil. J Agric Food Chem. 2004 Jul 14;52(14):4380-7.

(26)                      Huede B. Cognitive decline and fatty acid composition of erythrocyte membranes-The EVA Study. Am J Clin Nutr. 2003 ; 77 (4) : 803-808.

(27)                      Nair J, Vaca CE, Velic I, Mutanen M, Valsta LM, Bartsch H. High dietary omega-6 polyunsaturated fatty acids drastically increase the formation of etheno-DNA base adducts in white blood cells of female subjects. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 1997 Aug;6(8):597-601

(28)                      Ailhaud G, Guenest P, Fatty acid composition of fats is an early determinant of childhood obesity: a short review and an opinion, Obesity Reviews, No. 5, 2004, 21-28

(29)                      Aguilera CM, Mesa MD, Ramirez-Tortosa MC, Nestares MT, Ros E, Gil A. Sunflower oil does not protect against LDL oxidation as virgin olive oil does in patients with peripheral vascular disease. Clin Nutr. 2004 Aug;23(4):673-81

(30)                      Bhathena SJ, Velasquez MT. Beneficial role of dietary phytoestrogens in obesity and diabetes. Am J Clin Nutr. 2002 Dec;76(6):1191-201.

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u.s.

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(32)                      de Lumen BO. Lunasin: a cancer-preventive soy peptide. Nutr Rev. 2005 Jan;63(1):16-21.

(33)                      Tantivejkul K, Vucenik I, Shamsuddin AM. Inositol hexaphosphate (IP6) inhibits key events of cancer metastasis: II. Effects on integrins and focal adhesions. Anticancer Res. 2003 Sep-Oct;23(5A):3681-9.

(34)                      Kobayashi H, Suzuki M, Kanayama N, Terao T. A soybean Kunitz trypsin inhibitor suppresses ovarian cancer cell invasion by blocking urokinase upregulation. Clin Exp Metastasis. 2004;21(2):159-66

(35)                      Murtaugh MA, Ma KN, Benson J, Curtin K, Caan B, Slattery ML.  Antioxidants, carotenoids, and risk of rectal cancer. Am J Epidemiol. 2004 Jan 1;159(1):32-41.

(36)                      Le Marchand L, Hankin JH, Wilkens LR, Kolonel LN, Englyst HN, Lyu LC. Dietary fiber and colorectal cancer risk. Epidemiology. 1997 Nov;8(6):658-65.

(37)                      Jariwalla RJ. Inositol hexaphosphate (IP6) as an anti-neoplastic and lipid-lowering agent. Anticancer Res. 1999 Sep-Oct;19(5A):3699-702. Review.

(38)                      Siège de Monsanto…

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